Les polypiers

 


LES  POLYPIERS


 
            Pour se faire une idée de l'organisation des polypiers et des espèces qui leur sont apparentées, prenons une méduse comme point de départ. Elle est constituée d'une ombelle en forme de parapluie, dont le bord porte une série de filaments urticants destinés à capturer les proies. Au centre, sur la face inférieure de l'ombelle, se trouvent la bouche et les organes reproducteurs. Les méduses, dont le corps mou ne se fossilise presque jamais, forment la classe des Scyphozoaires.
            Renversons notre méduse la tête en bas, réduisons sa taille cinq à six fois, et fixons-la sur un substrat rocheux. Nous obtenons une actinie, c'est-à-dire une anémone de mer, ou bien un hydraire, dans le cas où l'ombelle s'allonge en prenant une forme de tube. Les animaux de ce type, eux aussi au corps mou, n'intéressent pas plus le paléontologue que les méduses.
            Réduisons encore sa taille pour obtenir un animal de quelques centimètres, et insérons celui-ci dans une loge en calcaire secrétée par l'animal lui-même. Nous obtenons alors un polypier simple, cette fois beaucoup plus intéressant de notre point de vue puisque la partie calcaire peut se fossiliser facilement. C'est cette partie calcaire, qui joue le rôle d'un exosquelette, qui est désignée par le terme de polypier. L'animal lui-même s'appelle le polype. Ils adoptent généralement une forme de cône ou de coupe plus ou mons évasés, de section circulaire, ovale, ou irrégulière. Ils sont fixés au substrat par la partie la plus étroite qui fait office de base. Voici par exemple l'allure du polypier simple Eupsammia trochiformis, du Lutétien inférieur
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            La cavité est presque toujours occupée par une série de cloisons disposées en étoile, qui correspondent à autant de replis de la paroi extérieure du polype. Ces cloisons, ou septes, sont fixées à la paroi extérieure du polypier, appellée muraille. Elles convergent vers le centre et se rejoignent éventuellement sur un axe central appellé columelle, qui peut être massif, plus ou moins lacunaire ou spongieux, parfois absent. L'ensemble des septes s'appelle le calice. Quand elles sont peu nombreuses, les septes sont disposées symétriquement, le plus souvent par 6, 8 ou 12. mais elles peuvent être beaucoup plus nombreuses. A la partie supérieure émergent des tentacules en nombre variable, qui sont homologues des filaments de la méduse, et servent à la capture des proies. Le schéma suivant montre l'organisation d'un polypier simple:
 
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            La photo ci dessous montre le calice d'une espèce à septes nombreuses, Trochoseris distorta, de l'Auversien. La suivante montre un exemplaire de Turbinolia sulcata encore fixé à sa gangue de calcaire. Il possède 24 septes disposées symétriquement, une muraille à section circulaire. On distingue la columelle au centre.

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            Continuons notre petit jeu de transformations et réduisons encore la taille du polypier obtenu précédemment, jusqu'à ce qu'il ne mesure que quelques millimètres. Puis regroupons-en plusieurs dizaines côte-à-côte, en les soudant entre eux pour former un unique bloc calcaire. Nous obtenons alors un polypier colonial. Ce sont eux qui, dans les mers chaudes du globe, construisent les récifs coralliens, en fixant leurs polypiers sur ceux qui les ont précédé. Si les conditions climatiques se maintiennent pendant plusieurs millénaires, les générations successives de polypes peuvent ainsi progressivement construire des structures énormes, de plusieurs centaines de mètres d'épaisseur. Celles-ci peuvent également abriter des polypiers simples, et constituent en général des écosystèmes complexes. C'est pourquoi les anciens récifs coralliens forment souvent de riches gisements fossilifères.
            Parfois les différents calices d'un polypier colonial sont contigüs et occupent toute la surface du polypier. Ils adoptent alors souvent des formes polygonales, comme chez Stylocoenia emarciata (Auversien), ci-dessous à gauche. D'autres fois ils sont plus espacés, laissant entre eux une surface plus ou moins granuleuse, comme chez Madrépora solanderi à droite, également auversien:

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            L'ensemble de la colonie peut adopter différentes formes: Massive, comme chez S. emarciata précédent, encroûtante, recouvrant alors un substrat rocheux, ou bien rameuse, ressemblant alors aux bois d'un cerf. Dans ce dernier cas les calices peuvent être répartis sur la surface des branches, comme chez Madrepora ornata ci dessous, ou bien localisés à ses extrémités comme chez Lobopsammia cariosa qui suit:

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            Il est donc clair que les méduses, les hydraires, les actinies et les polypiers sont des animaux étroitement apparentés: En effet ils appartiennent tous à l'embranchement des Cnidaires. Dans les vieux ouvrages on parle de Coelentérés, un embranchement qui regroupait les cnidaires et les cténophores, mais on a depuis reconnu que ces derniers, qui ressemblent à des méduses dont le corps serait arrondi, forment plutôt un embranchement séparé. De toute façon ils ne se fossilisent pas plus que les méduses.
            L'embranchement des cnidaires est extrèmement ancien, on trouve des empreintes d'animaux médusoïdes avant même le début du Paléozoïque (Protoméduses). Les plus anciens polypiers datent de l'époque silurienne (environ 430 millions d'années), et ils sont encore bien représentés dans la nature actuelle.
            Ils peuvent adopter deux modes de vie bien différents, un mode libre comme les méduses, et un mode fixé comme les polypiers. Toutes les combinaisons existent, depuis la méduse stricte jusqu'à des polypiers qui passent leur vie entière fixés, avec tous les intermédiaires possibles. Souvent les premiers stades de la vie sont libres, puis la larve se fixe pour le restant de son existance. Seuls les polypes fixés fabriquent des polypiers.
            Beaucoup de gens pensent que les méduses et les anémones de mer sont des sortes de mollusques, mais en réalité leur organisation est beaucoup plus simple: Les mollusques ont des organes bien spécialisés, appareil cardiovasculaire, digestif, et un système nerveux parfois très sophistiqué. Rien de tel chez les cnidaires qui sont beaucoup plus primitifs: Par exemple leur appareil digestif se réduit à un simple sac à une seule ouverture.

            Voici l'essentiel de la classification des Cnidaires. Ils comportent quatre classes:
                   Protoméduses: Ce sont des empreintes de corps mous provenant de roches très anciennes (Cambriennes et Algonkiennes), qui ressemblent à des méduses primitives sans tentacules. Principalement représentées par le genre Brooksella, elles ont été rapportées aux cnidaires avec une certaine incertitude.
                   Scyphozoaires: Ce sont les méduses proprement dites, qui passent toute leur vie à l'état libre. On rattache généralement à cette classe les conulaires, qui possèdent une coquille en pyramide allongée formée de quatre plaques calcaires disposées symétriquement. Cette coquille n'est pas un polypier (elle ne possède pas de septe) et elle n'était pas fixée. Les conulaires sont exclusivement paléozoïques.
                   Hydrozoaires, ou hydroméduses: Ils sont divisés en sept ortdres:
                               Hydraires, Milléporides, Stylastérinés, Trachyméduses, Siphonophores, Spongiomorphes (Trias et Jurassique), Stromatopores (Cambrien-Crétacé).  Les cinq premiers sont encore vivants, les deux derniers éteints.
                   Anthozoaires, ou coralliaires: Ce sont eux qui forment des polypiers munis de septes. Ils sont divisés en deux sous-classes:
                          Octocoralliaires: Calice comportant huit septes, ou un multiple de huit.
                          Zoanthaires: Calice comportant six ou douze septes, ou un multiple de douze. Ils sont à leur tour divisés en trois ordres:
                                 Tabulés: Caractérisés par des calices tubulaires compartimentés par des planchers horizontaux. Exclusivement paléozoïques.
                                 Tétracorailliaires: Septes par cycles de quatre (paléozoïque).
                                 Hexacoralliaires: Septes par cycles de six.

            Les polypiers des terrains cénozoïques (ceux du Bassin Parisien) sont presque tous des hexacoralliaires. On peut parfois trouver des hydrozoaires, comme le genre Millepora par exemple.
 

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