Nomenclature des fossiles


NOMENCLATURE

DES  FOSSILES


 
            L'utilisation de noms latins pour désigner les animaux et les végétaux est souvent vue par le profane comme un jargon de spécialiste, ou comme  une complication inutile, voire comme un signe de pédanterie. En réalité la mise au point d'une nomenclature dite scientifique est indispensable à une étude sérieuse des être vivants présents ou passés, pour au moins deux raisons. D'abord les noms communs ont une valeur géographiquement limitée: Il changent d'un pays à un autre, voire d'une région à une autre. Ensuite un nom commun recouvre souvent une notion floue et variable. Quand on parle par exemple d'une guêpe, tout le monde voit à peu près de quoi il s'agit. Mais quand on étudie plus précisément ces insectes, on s'aperçoit qu'il existe plusieurs espèces voisines, parfois très difficiles à distinguer du premier coup d'oeil. Alors où placer la limite entre les guêpes et les non-guêpes?
            On a donc une situation dans laquelle un même nom désigne souvent plusieurs espèces, ou bien dans laquelle une même espèce est désignée par plusieurs noms, car ceux-ci varient suivant les pays ou même les régions. Dans le cas des fossiles il existe une troisième raison, c'est que la quasi-totalité d'entre eux ne possède aucun nom commun. Mis à part les mammouths et quelques dinosaures, ils sont largement inconnus du grand public.

            Il est donc rapidement apparu indispensable d'inventer de toute pièces un système de nomenclature stable, précis et universel, adapté à tous les êtres vivants ou ayant vécu. L'utilisation du latin a certainement des raisons historiques. C'est une réminiscence des usages du moyen âge, où le latin était la langue des érudits. De plus l'utilisation d'une langue morte est favorable à l'universalité du système de nomenclature, en évitant les favoritismes.
 
Généralités

            La nomenclature des fossiles respecte les règles générales de la nomenclature des êtres vivants, définies au XVIIIe siècle par Linné, et officialisées par le Code International de Nomenclature Zoologique, dont la dernière version date de 1999. Elle est universellement utilisée par les scientifiques du monde entier. Le nom d'un fossile est le nom de l'espèce à laquelle il appartient. En effet, seule la notion d'espèce a une réalité biologique dépourvue d'arbitraire (contrairement aux genres, familles... dont les limites sont tributaires de critères plus ou moins artificiels qui ont varié selon les époques). Chaque espèce fait l'objet, lors de sa définition, d'une publication qui énonce ses caractères spécifiques, et y associe un spécimen-type qui la définit sans ambiguïté. Le nom scientifique d'une espèce comporte au minimum deux mots en latin, le nom de genre et le nom d'espèce ou épithète, auxquels il convient d'ajouter, pour être tout à fait complet, le nom de l'auteur, c'est à dire de celui qui a publié la description de cette espèce pour la première fois, ainsi que la date de cette publication. Ainsi Potamides tricarinatus LAMARCK 1804 est une espèce appartenant au genre Potamides, son nom d'espèce est tricarinatus, et elle a été définie par Lamarck en 1804 (c'est un mollusque gastropode de l'éocène).
            En réalité la date est presque toujours omise, et très souvent aussi le nom de l'auteur, et on écrira simplement Potamides tricarinatus, ce qui suffit à identifier sans ambiguïté l'espèce dont on parle. A noter que plusieurs espèces peuvent porter le même épithète, comme par exemple Ampullina parisiensis (un gastropode naticidé), Clavilithes parisiensis (un gastropode buccinidé) ou bien Liodonax parisiensis (un bivalve psammobiidé), de sorte que la mention des deux noms à la fois est nécéssaire. Toutefois quand on cite plusieurs espèces d'un genre donné, on peut éviter de répéter ce dernier plusieurs fois en n'écrivant que son initiale, par exemple P. tricarinatus. Les noms de genre et d'espèce sont des mots latins, ils ne comportent donc ni accent, ni mot composé. L'usage veut que les noms scientifiques soient écrits en italique, pour qu'ils soient facilement repérables dans un texte.

Sous-genres et sous-espèces

            Autrefois, on mettait une majuscule aux noms (genre ou espèce) qui dérivaient d'un nom propre. Aujourd'hui la règle est plus simple: Les noms de genre et de sous-genre prennent toujours une majuscule, ceux d'espèce et de variété toujours une minuscule. S'il existe un sous-genre, il est écrit entre parenthèses juste après le genre, par exemple Potamides (Potamidopsis) tricarinatus. Il peut exister aussi un nom de variété, qui est écrit après le nom d'espèce. Ainsi, le nom complet peut comporter jusqu'à 6 termes, comme par exemple Potamides (Potamidopsis) tricarinatus crispiacensis BOUSSAC 1906. On parle alors de la variété crispiacensis de l'espèce Potamides tricarinatus. Ici la date et l'auteur sont différents de ceux du paragraphe précédent, car les éventuelles variétés d'une espèce sont souvent reconnues et décrites bien après que l'espèce proprement dite ait été définie. De toute façon seuls les noms de genre et d'espèce sont obligatoires.

Variantes

            Lorsqu'on est en présence d'un échantillon dont on connaît le genre mais pas l'espèce, on peut le désigner en écrivant la mention "sp." à la place du nom d'espèce, ainsi Potamides sp. C'est souvent le cas d'un fossile en mauvais état de conservation, ou simplement que l'on n'est pas parvenu à déterminer complètement. Si l'espèce est déterminée avec un certain doute, on écrira alors Potamides cf. tricarinatus. Cela signifie qu'il s'agit très probablement d'un Potamides tricarinatus. Enfin, si on est en présence d'une espèce très voisine, mais apparemment différente, on écrira Potamides aff. tricarinatus.

Modifications de nomenclature

            Les recherches paléontologiques progressent sans cesse, et les espèces se multiplient. Là où on ne voyait autrefois qu'une seule espèce, les analyses détaillées ont permis d'en définir plusieurs, parfois très difficiles à distinguer. Ainsi certains genres, lorsqu'ils renferment trop d'espèces sont  scindés en plusieurs genres nouveaux. Par exemple l'ancien genre Turritella a donné naissance aux genres Sigmesalia, Torquesia et Haustator. Le genre Crassatella a été réduit, et certaines espèces ont été placées dans le genre Bathytormus. De même le genre Ostrea (les huîtres au sens large) a donné les genres Cubitostrea, Crassostrea, Gryphaeostrea, Pycnodonte et Gigantostrea. Le cas de l'ancien genre Cerithium, qui était déjà très vaste, est encore plus spectaculaire. On pourrait multiplier ainsi les exemples.

Synonymies

            En principe, chaque espèce possède un nom unique, et les anciens noms sont invalides. Mais l'utilisation de ces derniers est souvent poursuivie par les paléontologues, par habitude. De toute façon, on est souvent amené à consulter des ouvrages plus ou moins anciens, dans lesquels d'anciennes nomenclatures étaient en vigueur. Parfois, des naturalistes ont décrit des échantillons sous des noms différents, alors qu'ils étaient en réalité différentes parties d'un même animal. Dans ce cas c'est le nom publié en premier qui est valide. D'autres fois, un paléontologue nomme une espèce qu'il croit nouvelle, sans savoir qu'elle a déjà été décrite quelque temps auparavant, sous un autre nom.
            Il existe donc de nombreux cas de synonymie ce qui complique beaucoup les choses. C'est pourquoi tous les noms utilisés dans ce site se conforment à ceux de la base de donnée du site du Museum National d'Histoire Naturelle, qui constitue la meilleure référence en matière de nomenclature. Je me suis efforcé aussi de signaler, dans les pages qui décrivent les différentes espèces, les anciennes dénominations et les éventuels synonymes. Ceux-ci figurent aussi dans la liste alphabétique des noms (accessible en page d'accueil).