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DU  NEOPHYTE


 

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           Lorsqu'il m'arrive de montrer certains échantillons de ma collection à des personnes peu au fait de la paléontologie de l'ère tertiaire, je déclanche fréquemment des réactions du genre « Mais non, c'est pas des fossiles, c'est des coquillages ! », ou bien « Des fossiles comme ça, j'en trouve à la pelle le long des plages normandes ». Il est vrai que certaines coquilles de mollusques sont si bien conservées qu'on croirait que l'animal était encore vivant hier. Mais la géologie est formelle, ces derniers ont vécu entre 25 et 45 millions d'années avant l'époque actuelle, ce sont donc bien d'authentiques fossiles. De plus les espèces sont presque toutes différentes de celles qui vivent aujourd'hui, même si elles ont souvent un air de famille. Mais cela, il faut un peu d'habitude pour s'en rendre compte. Ce sont de telles réactions qui m'ont décidé à écrire une page destinée à ceux qui ne connaîtraient pas grand chose aux fossiles.

Qu'est-ce-qu'un fossile?
           Le mot "fossile" provient soit du latin fodere qui signifie creuser, soit de fossilis qui désignait tout ce qui provient de l'intérieur de la terre. Il désignait au moyen âge tout ce qu'on pouvait tirer de la terre, roches, minéraux ou substances diverses. A partir du XVIIIe siècle, le sens s'est peu à peu restreint pour finalement désigner les vestiges, conservés dans le sous-sol, des êtres vivants qui ont vécu à des époques reculées. Lorsqu'un organisme meurt, son cadavre est le plus souvent rapidement pris en charge par d'autres organismes pour lesquels il constitue une source de nourriture. Les bactéries finissent de le décomposer et il n'en reste rien.
           Pour que cet organisme subsiste à long terme et parvienne jusqu'à nous, des conditions exceptionnelles sont nécessaires: Il doit être immédiatement soustrait aux charognards et enterré à l'abri de l'oxygène pour que la décomposition par les bactéries soit bloquée. Cela ne peut se produire qu'en milieu aquatique ou fortement humide tel qu'un marécage. Lors d'une crue soudaine ou d'une coulée de boue sous-marine, des animaux et des végétaux peuvent être enterrés dans les sédiments dès leur mort, ou même de leur vivant. Alors, même s'ils subissent par la suite des transformations chimiques ou mécaniques, leurs parties molles pourront laisser des traces reconnaissables. C'est ainsi que certains sites sont mondialement célèbres pour l'exceptionnel état de conservation des fossiles qu'ils ont livrés. Le gisement d'Ediacara en Australie, âgé de 700 millions d'années, à fourni une faune d'invertébrés primitifs n'ayant rien à voir avec celles qui leurs succèderont. Le gisement de Burgess Shale, dans les montagnes rocheuses canadiennes, qui date du début de l'ère primaire, a fourni de magnifiques arthropodes dont beaucoup n'ont, là encore, aucun équivalent dans la nature actuelle. On peut encore citer le gisement de Solnhofen, en Bavière, qui date du milieu de l'ère secondaire. Il est connu pour avoir livré quelques exemplaires d'Archaeopterix, le plus ancien oiseau connu, avec des plumes bien conservées. Mais on y trouve aussi toute une variété de fossiles remarquables, vertébrés ou invertébrés. Enfin, le gisement de Monte Bolca, près de Vérone en Italie, a fourni de merveilleux poissons de l'ère tertiaire.
           L'inclusion dans l'ambre est un autre mode de conservation intégrale des organismes. Il s'agit de la résine qui suinte à travers l'écorce de certains arbres et qui durcit à l'air. Des débris végétaux ou des petits animaux peuvent y être englués, et se trouvent ainsi, après durcissement, à l'abri de l'air et des bactéries. Si la résine est ensuite immergée dans un lac ou un marécage, elle pourra se conserver pendant plusieurs dizaines de millions d'années. Les gisements les plus célèbres se trouvent près de la mer Baltique, en Roumanie, et en République Dominicaine. Ils datent de la deuxième moitié de l'ère tertiaire.

 
Les fossiles les plus courants
           Les gisements évoqués au paragraphe précédent sont évidemment des raretés extrêmement précieuses pour les paléontologues, mais rien de tel n'existe dans le Bassin Parisien (à part un gisement d'ambre récemment découvert en Picardie). Il faudra se contenter de fossiles beaucoup plus modestes. Fort heureusement, il existe de nombreux êtres vivants équipés de squelettes, carapaces ou coquilles plus ou moins résistants qui nécessitent pour leur fossilisation des conditions beaucoup moins restrictives. Par exemple, par ordre de fragilité décroissante, nous avons les arthropodes (insectes, crustacés, araignées...), qui possèdent un squelette externe de chitine parfois incrusté de calcaire, les vertébrés qui possèdent un squelette interne de phosphate de calcium (les os), les échinodermes (notamment les oursins) qui possèdent des plaques calcaires sous la peau, et surtout les mollusques, dont la plupart possèdent une coquille calcaire fort résistante aux attaques biologiques et chimiques. Si les gisements d'arthropodes et de vertébrés restent rares, il est plus facile de trouver des échinodermes, et les fossiles de mollusques sont extrêmement courants. L'immense majorité des fossiles que vous pourrez découvrir dans le Bassin Parisien sont des mollusques, notamment des bivalves et des gastropodes, qui sont les deux classes de loin les plus représentées. Il convient également de citer les polypiers (coraux et espèces apparentées), dont beaucoup d'espèces peuvent se trouver couramment.

De l'animal au fossile: le processus de fossilisation
           Suivons le destin d'un futur fossile à partir de la mort de l'animal, en prenant l'exemple classique d'une coquille de mollusque marin. Cette coquille s'est déposée au fond de l'eau en même temps que les sédiments qui la contiennent. Ces derniers se sont ensuite, après retrait des eaux, lentement transformés en roches: Sables, grès, calcaires, marnes, argiles... Toutes ces roches sont dites sédimentaires. Les autres types de roches ne contiennent jamais de fossile. Heureusement, le proche sous-sol du Bassin Parisien n'est constitué que de roches sédimentaires. Entre le moment où l'animal meurt et où sa coquille est découverte, beaucoup d'évènements peuvent survenir, dont la plupart affectent l'aspect que le fossile va présenter à nos yeux. Tout d'abord, avant d'être ensevelie dans des sédiments, une coquille peut subir les assauts d'une mer ou d'une rivière agitées. Si la profondeur est faible, la couche superficielle des sédiments est constamment remuée, et le frottement de l'eau et du sable use les coquilles et fait disparaître les détails de l'ornementation. On dit qu'elles sont roulées. Cette situation correspond presque toujours à des sédiments grossiers, sables à gros grains ou graviers, ou à des coquilles ayant séjourné très longtemps dans le lit d'une rivière. A l'inverse, le sable fin ou l'argile se déposent au fond d'une mer calme. Un critère infaillible est la présence de bivalves en connexion, c'est à dire dont les deux valves sont restées accolées l'une à l'autre. Cela signifie qu'elles n'ont pas bougé depuis la mort de l'animal. Elles se sont déposées au fond d'une mer très calme et ont été paisiblement ensevelies par un sédiment fin. Un tel site peut fournir les fossiles en parfait état de conservation évoqués dans l'introduction, et il convient de l'exploiter avec précautions, car on peut y trouver des éléments très fragiles, qui seraient brisés ou détruits en d'autres endroits.
           Les coquillages qu'on peut voir sur nos côtes actuelles sont diversement colorés. Après la mort de l'animal, ces couleurs pâlissent progressivement. Presque toujours, elles disparaissent en quelques décennies, c'est à dire en un temps négligeable à l'échelle géologique. C'est pourquoi les coquilles fossiles sont décolorées, souvent blanches, parfois grises, et il ne faudra donc pas compter sur la couleur pour déterminer les espèces. Il arrive parfois qu'on trouve un fossile dont la coloration a été exceptionnellement conservée, comme on peut le voir par exemple chez Athleta spinosus. Mais dans de tels cas, il est parfois difficile de savoir s'il s'agit d'une véritable coloration qui s'est conservée ou d'infiltrations ultérieures de minéraux colorés dans des zones de la coquille dont la structure fine est différente. Par exemple il est fréquent que des fossiles soient bruns, ocres ou jaunâtres par imprégnation d'oxyde de fer.
 
           Voici à présent notre coquille enfouie à l'intérieur du sédiment. Des millions d'années vont pouvoir s'écouler. On pourrait penser qu'ainsi protégée, elle est à l'abri des agressions extérieures, mais il n'en est rien. Elle peut tout d'abord, avant l'éventuelle consolidation du sédiment, subir des déformations par compression, dues au poids des sédiments déposés ultérieurement. Dans certains cas, surtout pour les fossiles anciens ayant subit des mouvements tectoniques importants, ceux-ci sont totalement écrasés, réduits à deux dimensions. Mais cela ne se rencontre pas dans le Bassin Parisien où les fossiles, relativement récents, ont subit des déformations faibles ou nulles. Lors de son séjour dans la roche, la coquille de mollusque, et plus généralement tout fossile calcaire, peut tout simplement être dissoute par l'acidité des eaux d'infiltration. La coquille elle-même disparaît, et si la roche qui la contenait est meuble, il ne reste rien du fossile. C'est aussi le cas si la coquille a disparu avant que la roche dure ne se soit complètement consolidée. Une telle formation, dépourvue de toute trace de fossile, est dite azoïque. C'est souvent le cas du sable de Fontainebleau, dans lequel les fossiles n'ont été préservés que lorsqu'ils étaient protégés par un banc de calcaire imperméable (calcaire de Beauce). Quand les fossiles ont été préservés jusqu'à nous, la roche est dite fossilifère. Dans le cas où la coquille a été dissoute au sein d'une roche dure, le fossile subsiste sous la forme d'une empreinte appelée moule. Les fossiles du calcaire grossier des environs de Paris sont souvent sous cette forme. Au lieu d'agir par leur pouvoir dissolvant, les eaux d'infiltration peuvent, à l'inverse, apporter des matières minérales qui vont imprégner, ou même remplacer la substance initiale du fossile. La plus courante est la silice: On dit alors que le fossile est silicifié. C'est le mode habituel de fossilisation du bois. On peut rencontrer aussi de la pyrite (sulfure de fer), notamment chez les ammonites. Ces minéralisations sont peu fréquentes dans le Bassin Parisien.
 
           Dès que la mer se retire les sédiments, exposés à l’air libre, sont attaqués par l’érosion. Les différentes couches sont progressivement décapées et les fossiles qu’elles renferment mis à nu. Or l’agent d’érosion le plus efficace est l’eau de ruissellement. Il peut donc arriver que les fossiles soient repris par un cours d’eau, déposés dans ses sédiments ou même reconduits jusqu’à la mer. Le cycle recommence, mais les fossiles sont alors dans un sédiment moins âgé qu’eux. On dit qu’ils sont remaniés. Il n’est pas rare de trouver ainsi, dans les alluvions de l’Oise ou de la Seine, des fossiles datant de l’ère secondaire. Très souvent, les fossiles remaniés ont subi un long séjour dans l’eau courante et sont fortement roulés. Quand les fossiles sont mis à nu par l’érosion, ils sont eux aussi attaqués par les intempéries, de sorte qu’ils ne restent pas longtemps intacts. Ils subissent une lente érosion par les eaux de pluie, la microfaune du sol, les racines des végétaux, le gel... Le plus souvent, ils disparaissent avant d’être repris par les eaux de ruissellement. C’est pendant cette courte période (quelques décennies) d’existence à l’air libre qu’ils pourront être recueilli par les collectionneurs.

Où chercher ?
           Dans nos régions tempérées relativement humides, le sous-sol contenant les fossiles est presque toujours recouvert d’une couche de terre, elle-même supportant une végétation plus ou moins dense. Ceux-ci ne sont donc pas apparents, et il faut creuser pour y accéder. Par bonheur, les carriers et les entreprises de travaux publics peuvent creuser à notre place. C’est en effet dans ces diverses excavations que les récoltes seront faciles et abondantes, mais il ne faut pas oublier que les carrières sont des propriétés privées, et que les chantiers sont généralement interdits au public. Il faut donc solliciter les autorisations adéquates (voir aussi la page déontologie). De plus, ces lieux comportent généralement des pentes raides, sujettes aux éboulements. Il convient donc d’être très prudent et de ne jamais creuser sous des surplombs.
           Les fossiles sont très inégalement répartis dans le sous-sol. Beaucoup de roches sédimentaires sont azoïques, la plupart ne contiennent que quelques fossiles disséminés ça et là. Mais il peut arriver que les fossiles soient exceptionnellement nombreux dans un niveau géologique donné, et sur une certaine zone, souvent très localisée, soit que la vie ait été particulièrement florissante à cet endroit et à cette époque, soit que les mouvements des eaux dans lesquelles les animaux vivaient aient concentré leurs restes. On est alors en présence d’un gisement fossilifère. Ces gisements sont évidemment très prisés des collectionneurs, c'est pourquoi il faut prendre garde à ne pas les surexploiter. Dans quelques cas extrêmes, certains sables sont principalement constitués de coquilles: On parle alors de faluns. Un calcaire particulièrement riche en coquilles est un calcaire coquiller. Il existe aussi des grès coquillers. Lorsqu’une roche consolidée (calcaire ou grès) est remplie de mollusques bivalves, elle prend alors le nom de lumachelle.

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